Par Karine Légaré

Deux groupes militaires distincts s’occupèrent de défendre le pays en cas d’attaque : la milice canadienne et les troupes régulières nommées de la Marine.  

La milice fut établie au Canada en 1649, mais devint officielle qu’en 1669 par le roi Louis XIV. Elle fut tout d’abord constituée pour contrer la menace iroquoise, surtout présente dans les gouvernements de Trois-Rivières et de Montréal. Les soldats de la milice canadienne étaient essentiellement des habitants. Le colon de la Nouvelle-France fut à la fois agriculteur et soldat. Les besoins de défendre la colonie exigeaient la formation d’effectifs proprement canadiens. Les troupes en provenance de France arrivaient de façon irrégulière et le nombre de soldats était insuffisant. Le régiment de Carignan-Salières fut un des seuls contingents complets de soldats français à avoir foulé le sol canadien. C’est pourquoi, le 10 mai 1682, le roi recommande

 « d’aguerrir les habitans, les exerçant au maniement des armes, leur faisant faire de fréquentes revues et observant qu’ils aient tous chez eux les armes nécessaires pour s’en servir, au cas de besoin, faire défendre en Cas qu’ils fussent attaqués. »

Chaque paroisse avait au moins sa compagnie de milice constituée de 50 à 80 hommes. Tout habitant de 16 à 60 ans était tenu de faire son service militaire. Les miliciens se réunissaient pour s’exercer les dimanches et les jours fériés, une fois par mois. Par ailleurs, ils devaient compter sur leurs propres moyens pour s’armer. En temps de guerre, les armes étaient fournies à ceux qui n’en possédaient point, mais elles devaient être retournées le conflit terminé. Les miliciens n’avaient pas d’uniformes. Ils étrennaient leurs propres habits c’est-à-dire bottes sauvages, capot à capuchon serré à la taille par une ceinture fléchée, tuque de laine, mitaines et raquettes (voir illustration). L’habitant milicien était très agile pour la guerre d’escarmouche au milieu de la forêt. Il avait emprunté cette manière de combattre aux peuples autochtones, ce qui le différenciait nettement du soldat français qui se battait de façon très ordonnée. On note souvent dans la correspondance l’indiscipline des soldats canadiens qui se traduisait toutefois par un courage et une audace qui faisaient leur réputation auprès des dirigeants de la Nouvelle-France. 

Le chef de chaque compagnie était le capitaine de milice. Ce dernier était nommé par les miliciens lors d’une élection, reconnu et respecté par toute la population paroissiale. À cet égard, voici une tradition qui prouve la grande estime des habitants envers le capitaine de milice. Cette tradition, particulièrement observée chez nos voisins de l’Île d’Orléans, se nomme le cérémonial du mai et avait lieu le dernier jour d’avril. Quatre chefs de famille, accompagnés d’une douzaine de miliciens armés de leurs fusils, allaient planter chez le capitaine de milice de leur paroisse un mai, sapin orné d’une girouette. Les hommes saluaient ensuite le capitaine d’une décharge de leurs armes. Le capitaine leur répondait en leur retournant la pareille. Ensuite, une fête était donnée chez le capitaine, arrosée d’eau-de-vie. À chaque verre, les soldats allaient décharger leurs armes sur le mai qui se noircissait de poudre au cours de la soirée, ce qui était considéré comme un honneur… 

En plus, dans sa localité, le capitaine s’occupait souvent de la voirie, de la justice et agissait à titre de consultant. Le capitaine détenait du gouverneur général une commission qui lui octroyait le droit de faire exécuter les ordres provenant des instances supérieures. Pour le distinguer des miliciens, il portait l’épée et un hausse-col doré.

Les troupes régulières quant à elles, nommées fréquemment troupes ou détachement de la marine parce que relevant de ce Ministère, furent fondées en 1674 pour défendre les colonies françaises et les navires. Les soldats de ces troupes étaient payés et agissaient à ce titre de manière permanente. Plusieurs provenaient de France. Or, à partir de 1683, les troupes de la marine devinrent graduellement canadiennes en ce sens que le recrutement se fit de plus en plus auprès de la population du pays. De plus, la façon de faire la guerre des troupes françaises changea pour s’adapter à celle qui avait cours au Canada, la guerre d’embuscade. 

Bibliographie

DOUVILLE, Raymond et Jacques-Donat Casanova. La vie quotidienne en Nouvelle-France. Le Canada, de Champlain à Montcalm. Montréal, Hachette, 1982. 272 p.

MALCHELOSSE, Gérard. « Milice et troupes de la Marine en Nouvelle-France, 1669-1760 ». Les cahiers des dix. Montréal, no. 14, 1949. p. 115-147.

SÉGUIN, Robert-Lionel. La civilisation traditionnelle de l’habitant aux 17e et 18e siècles. Ottawa, FIDES, 1967. 701 p.

TRUDEL, Marcel. Initiation à la Nouvelle-France. Montréal, Les Éditions HRW, 1971. 323 p.

Mères Jeanne-Françoise Juchereau de St-Ignace et Marie-Andrée Duplessis de Ste-Hélène, Les annales de l’Hôtel-Dieu de Québec, 1636-1716, Québec, Hôtel-Dieu de Québec, 1984 (1939) p. 256.

L’Abbé René-E Casgrain, Histoire de la paroisse de l’Ange-Gardien, Québec, Dussault & Proulx, Imprimeurs, 1902, p. 131-132. 

Robert Larin, « Prisonniers canadiens, déportés acadiens, expatriés républicains, à Philadelphie et dans le New-York (1755-1783) », Mémoires de la société généalogique canadienne-française, vol. 50, no. 2, cahier 220, été 1999, p. 106. M. Larin s’est intéressé particulièrement à cette liste de prisonniers dressée par Murray.